vendredi 16 novembre 2012

P'tit gars sans garantie

Mon enfant est défectueux. 

Malheureusement, je ne signe jamais ces arnaques de garanties prolongés. Pour une fois, ça m'aurait servi.
Généralement il fonctionne bien: il mange adéquatement, il marche en gambadant, il s'habille presque sans chigner (et ça, c'est toute une évolution) et on réussit à lui changer sa couche sans qu'il ne se débatte 1 fois sur 3. 

Ma plainte est au niveau du langage.
Bien heureux qu'il ait réussi à bien dire "papa" et "maman", j'étais persuadé que tous les autres mots débouleraient rapidement, comme si "papa" était un caillou bloquant un fleuve. Disons plutôt que le fleuve s'avère plutôt une mince fuite.  Faut donner à César ce qui lui revient car après tous ses effort, il a acquis quelques autres mots: "le chat", "de l'eau", "veut pas", "par là", "cé chaud". J'ai compris que ses mots viennent en paquet de 2, très souvent indissociables. Ils sont aussi répétables jusqu'à l'écoeurantite aiguë. Imaginez seulement écouter un documentaire sur les  baleines pendant 1 heure. Une heure à entendre le petit, fier de maîtriser ces 2 mots: "deleau, deleau, deleau,deleau". Impossible de l'ignorer puisqu'il me saisit le menton afin que je le regarde et de son air interrogatif, demande: 

- De l'eau papa? De l'eau?
- Oui, oui de l'eau garçon. Je sais, merci. Oh, regarde le gros poisson.
- Oipon 
- Ppppoissssson
- Oipon.
- P, comme paapaaa. Alors, on essaie: poisson
- ...
- Poisson
- Oipon.

J'angoisse soudain, c'est peut être ma manière de parler. Je parle peut être trop vite - un hybride entre une capsule de François Pérusse et Louis-José Houde - ou je marmonne. Peut-être que je parle sur le bout de la langue plus que je l'imagine? Que mon garçon soit pris avec les défauts de sa mère, d'accord, mais avec mes défauts de langage, la galère. Pauvre garçon.

J'y réfléchis bien et je dois l'assumer, c'est moi qui l'ai brisé.

Je me souviens, Elliott avait près de deux ans, nous étions en chemin vers la garderie. Il commençait sa passion viscérale envers les tracteurs, impossible de les ignorer, il nous avertissait à la vision du moindre véhicule. Alors qu'il cria: "Tateur". Je le corrigea une fois: "Non, Elliott, c'est un camion". Tâteur, tâteur, tâteur. Ok, ok, c'est correct, c'est un tracteur pour le moment.

Le moment perdure. 1 an plus tard. Par ce simple mensonge que j'essaie de corriger patiemment. 

"Allez papa, dis-ouiiii! On peut l'amener à l'appartement?"
- Oh un camion Elliott.
- Tracteur papa.
- Nooon Elliott, c'est un camion
- Tracteur, tracteur.
- Ccccaaaaaaa-mmmmion
- Ttttttaaaaaac-teur.
- Camion!
- Tracteur.
- Caaaaamion. Allez, répète Elliott!
- Caa...
- Oui! C'est ça!
- Caaaa... Tacteur!

Un entêté et un têtu: un dialogue sans fin.
Je cherche alors le petit bouton "reset", avant qu'il n'induise tous ses amis à la garderie dans l'erreur. 

Allez, une dernière fois: camion?