jeudi 27 mars 2014

L'art de dire non

Crédit: Matthieu Turgeon
Crédit: Matthieu Turgeon
   Je suis à l'épicerie avec mon fils. Un lieu qui spécialement conçu pour nous faire acheter de manière impulsive et pour faire perdre la raison à nos enfants.

— J’en veux, j’en veux, j’en veux, s’exclame mon fils devant des petits jus à l’effigie de L'Université des monstres.
— Tu n’aimes pas ça le jus Elliott.
— Ah, ok.... Oh, ça, ça, ça. Katchow!
— C’est juste de la mousse de bain des Bagnoles. Tu en as déjà de Dora et de Spiderman à la maison qui te donnent des boutons, c’est bien assez.
— Aaaaaaaah oui.

   Je suis chanceux, je l’avoue. Pas de crise de bacons frits dans la poêle ni de pleurs incessants, mais le niveau de difficulté se décuple à l’approche de la rangée garnie de cochonneries (croustilles, jujubes et biscuits). Je détourne son attention vers la machine à café un peu plus loin pendant que je presse le pas pour éviter la rangée maudite.

    Et c’est réussi. Un détour parfait. J’entends une foule applaudir à tout rompre dans ma tête. L’esprit olympique est encore trop frais.
Malgré les avertissements de Pascal, je reste surpris comment une simple visite au supermarché peut devenir un sport extrême. Pour l’instant, le petit frère de 8 mois se contente de faire du charme à tous les autres clients. Ça me détend un peu.

— Sens papa. Mmmmm. Allez, sens.
Elliott me tend un gigantesque sac de guimauves sous le nez. C’est sa technique de vente préfère : l’odorama.
— Mmmmmmmh, oui, ça sent sucré. Allez, va le ranger. On a encore un sac de 2011 qui croupit dans le fond de l’armoire.
— Oh oui, un robot, je le veux, je le veux, s’exclame-t-il en sautillant un peu plus loin.
— Comment ça un robot? Ah, merde, ça n’arrête jamais. Non Elliott, on le laisse là.
— Pourquoi? Me dit-il de son ton parfait de petit chien battu, digne finissant du Actor’s studio de la garderie.
— Parce que si on l’achète, il va casser. Quand on va l’ouvrir de sa boîte, aussitôt — CRAC — il va se briser. Tu n’en veux pas d’un jouet brisé?
— Brisé?! Ah noooon.

    Super, nous sommes dans la dernière rangée, j’aurai survécu. Je tourne le coin pour me diriger vers les caisses.

Enfer et damnation, je suis cuit, le gérant a planté vicieusement les friandises en vrac tout au bout. Il est trop tard pour une diversion, je dois foncer tête baissée.

— Regarde papa, des bonbons, dit bonnement Elliott

J’attends la demande, le cri, le pleurnichage.
Rien. Décidément, Dieu existe.

    Mon petit périple s’achève alors que je dépose les items à la caisse. Mon 2ème petit garçon est si calme que je dois me concentrer pour ne pas le faire scanner machinalement sur le tapis de caisse.

— Jaune, vert, mauve. Tout plein, beaucoup, beaucoup. J’en veux.
— Non Elliott. Tu n’aimes même pas ça des Skittles!
— Oui. Oui. Oui.
— Ben non, tu les recraches à tout coup. Allez, range-le.
— Non-eee.

    Merde, j’ai crié victoire trop rapidement. Je sens que ma prochaine phrase balancera Elliott dans une crise incontournable. L’« e » final a été prononcé.

— Veux-tu un collant? lui demande la caissière.
— Non.

   Il se met à bouder, puis trop gêné, il se colle à mes jambes. Sauvé in extremis par l’employé, je me contente bien d'une petite bouderie facile.
Par chance, car j'allais craquer en achetant un petit œuf en chocolat trop sucré, cachant un jouet trop cheap. Mais ainsi, je peux revenir la tête haute en ayant relevé le défi de ma blonde: ne rien acheter pour les enfants en magasinant avec eux.

    Mais avant, hop, un petit tour au Canadian Tire, mon magasin de jouet. Je mérite bien une petite gâterie... non?

vendredi 20 septembre 2013

Des desserts et un homme


Un goinfre, mon garçon arrive à dévorer un bagel en quatre bouchées. Un estomac parlant, c'est un adolescent sur un trip de bouffe dans un corps d’enfant de trois ans et demi. Son appétit n’a d’égal que sa cute-attitude : un air enjôleur craquant. Un atout précieux lorsqu’on le gronde.

N’empêche que le gronder à l’heure de repas peut sonner incongru aux oreilles d’autres parents : « Ça suffit de manger de la salade. Mange un peu de pâtes et on t’en donnera encore. » Ou bien « Si tu manges trois morceaux de viande, on te remettra des carottes et du brocoli. » Le monde à l’envers. Comment punir un enfant qui aime mieux les légumes? Je ne voudrais pas lui faire croire que le végétarisme est un défaut.

Malgré tout, on le menace sur le dessert. Par chance, il est normal de côté. Tout comme ses congénères, le sucre lui monte direct au cerveau telle une drogue. Parfois, il m'est difficile de l’arrêter dans sa douce dépendance, surtout s’il l’a bien mérité après 6 pointes de sandwichs aux œufs (oui, oui, 6!).

Dernièrement, lors de la rentrée à son CPE — où il allait déjà l’année dernière —, les parents furent invités à un 5 à 7. Mon garçon, lui, en a fait une course à relais.

Dès son arrivée, la belette ignore ses amis et part roder la table garnie de sucreries. Je lui donne mon approbation et il s’élance vers un premier carré aux dattes, format adulte, pour l’engouffrer dans sa bouche débordante. « Elliott, on prend des bou-chées! » que je tente de contrôler maladroitement.

Le glouton, déjà la patte sur un mini-muffin, le fait disparaître d’un coup dans sa bouche. « Wooooooh garçon! On relaxe. Prends ton temps. » Il tâtonne alors un gâteau aux carottes, se lèche les doigts puis le redépose.
« Tu n’en veux pas? OK, j’vais le manger. » Me dis-je.
Détestant le gaspillage, je repasse derrière lui et mange ce qu’il repousse après un essai. J’ai été conditionné à me faire dire : « Il y a un petit noir en Afrique qui n’a pas la chance d’y goûter, alors mange! » Douce culpabilité simpliste. Et je ne peux toujours pas laisser ce pauvre dessert, même légèrement léché : les parents d’aujourd’hui sont si aseptisés. Et après tout, c’est la fête, on peut bien se gâter. Où est le mal?

Deux muffins, une chocolatine et trois carrés aux dattes plus tard, j'ai mal. Un début de mal de cœur me tenaille alors que je tente de freiner ses découvertes culinaires. Je tiens un troisième brownie dans les mains que je peine à entamer et mon petit homme continue son manège à tâtonner toutes les gâteries. Moi, Je dois déboucler d’un cran ma ceinture pour survivre.

— Elliott, ça va faire! Arrête de manger (profonde inspiration), papa n’a plus faim. 
— Ooooké-eee.

    Il arrête, enfin. Intervention tardive réussie. Entre deux reflux gastriques, je donne mes recommandations aux parents présents. Je vois bien dans leurs yeux qu’ils me prennent pour un glouton, mais je sens le devoir accompli. Il n’y a eu aucune perte. Mais, je crois qu’au prochain 5 à 7, ce sera moins engraissant d’attacher mon fils. Oh, ça ne se fait pas?



Une beigne avec du sucre en poudre? "C'est saaaaale!"

jeudi 15 août 2013

L'accouchement prise 2: prenez des notes

Bébé n.2 fête déjà son moisniversaire. Un 5 semaines qui a filé encore plus vite que sa naissance, complétée en 4 poussées. Mais cette fois-ci, nous étions en parfait contrôle de la situation. Quel plaisir de pouvoir revivre l’accouchement et les jours suivants sans le stress de la nouveauté. On rechausse de vieilles pantoufles déjà bien moulées. Des pantoufles qui percent les tympans, mais que l’on chérit tout de même.

    Bébé-glaçon — né en période de canicule, il tremble en bas de 26 degrés — nous a offert un accouchement de rêve. Zen et reposé par ma dernière nuit ininterrompue avant longtemps, j’avais le temps d’observer et de prendre des notes tandis que ma douce attendait de voir apparaître notre nouveau-né. Voici alors ma petite liste de choses utiles... et inutiles que j'ai remarquées.

  • Même si tout le corps médical demande à la mère « reposez-vous! » pendant son séjour, faut s’avouer l’évidence, elle ne se reposera pas! Surtout pas lorsqu’elle a des prises de sang, un repas à prendre, un cathéter à changer, un cabaret à ramasser, une température à vérifier, etc., les infirmières sont décidément bien optimistes ou... illusionnées. Surtout si on partage la chambre avec une autre nouvelle famille!
  • Jamais ma blonde ne sera aussi vite à l’aise avec une étrangère qu’avec l’infirmière qui s’occupe d’elle lors du travail. Elle n’est que 24 h avec nous, mais si elle est bien attentionnée, on a l’impression qu’elle nous sauve la vie. En quittant l’hôpital, on souhaite la cacher dans nos bagages pour l’avoir à portée de main. Notre fée marraine d’un jour.
  • Lorsqu’on suggère à la mère de manger un peu avant d’accoucher, vaut mieux trouver préalablement le petit plat dans lequel la « légère » salade de fruits refera surface.
  • Le poulet d’hôpital est gris et la cuisinière a un sérieux problème de papilles gustatives situés dans la région "jesalecommeunedéchaînée".
  • Une femme peut bien avoir son petit orgueil d’éviter l’épidurale, mais lorsque le seuil de douleur passe de 3 à 11 (sur une échelle de 10) en 2 min, il prend le bord vite en sacrifice.
  • Les visites devraient se limiter aux gens muets, surtout pour les chambres semi-privées. Ça prend 30 secs. Et les gens se sentent comme chez des amis et oublient vite que l’on vient de passer généralement un 24 h sans dormir. Et ce ne sera pas les prochaines 24 h, qui sera bien plus reposant.
  • Lorsque les gens accueillent dans leur bras le nouveau bébé fraîchement sorti de l’utérus de ma blonde et qu’ils s’exclament « ça sent dont bon un ptit bébé tout neuf », est-ce qu’il réalise qu’il est fraîchement sorti de l’utérus de ma blonde? Ah, ben coudon... Son dedans sent bon!
  • Ceux qui offrent des couches en cadeaux parce que « c’est toujours pratique! », est-ce que l'on peut leur offrir du papier de toilette à leur fête « parce que c’est toujours pratique »?

  
   D’ailleurs, côtés cadeaux, je terminerai avec une petite pensée pour les gens visitant une nouvelle famille à l’hôpital. Il est toujours apprécié lorsqu’on nous amène une simple carte; elles s’insèrent bien mieux dans nos valises qu’un parc à jouet, des camions et une horde de toutous. Les gens nous regardent en riant lorsqu’ils nous voient quitter l’hôpital avec une partie du ToysR'Us.