vendredi 20 septembre 2013

Des desserts et un homme


Un goinfre, mon garçon arrive à dévorer un bagel en quatre bouchées. Un estomac parlant, c'est un adolescent sur un trip de bouffe dans un corps d’enfant de trois ans et demi. Son appétit n’a d’égal que sa cute-attitude : un air enjôleur craquant. Un atout précieux lorsqu’on le gronde.

N’empêche que le gronder à l’heure de repas peut sonner incongru aux oreilles d’autres parents : « Ça suffit de manger de la salade. Mange un peu de pâtes et on t’en donnera encore. » Ou bien « Si tu manges trois morceaux de viande, on te remettra des carottes et du brocoli. » Le monde à l’envers. Comment punir un enfant qui aime mieux les légumes? Je ne voudrais pas lui faire croire que le végétarisme est un défaut.

Malgré tout, on le menace sur le dessert. Par chance, il est normal de côté. Tout comme ses congénères, le sucre lui monte direct au cerveau telle une drogue. Parfois, il m'est difficile de l’arrêter dans sa douce dépendance, surtout s’il l’a bien mérité après 6 pointes de sandwichs aux œufs (oui, oui, 6!).

Dernièrement, lors de la rentrée à son CPE — où il allait déjà l’année dernière —, les parents furent invités à un 5 à 7. Mon garçon, lui, en a fait une course à relais.

Dès son arrivée, la belette ignore ses amis et part roder la table garnie de sucreries. Je lui donne mon approbation et il s’élance vers un premier carré aux dattes, format adulte, pour l’engouffrer dans sa bouche débordante. « Elliott, on prend des bou-chées! » que je tente de contrôler maladroitement.

Le glouton, déjà la patte sur un mini-muffin, le fait disparaître d’un coup dans sa bouche. « Wooooooh garçon! On relaxe. Prends ton temps. » Il tâtonne alors un gâteau aux carottes, se lèche les doigts puis le redépose.
« Tu n’en veux pas? OK, j’vais le manger. » Me dis-je.
Détestant le gaspillage, je repasse derrière lui et mange ce qu’il repousse après un essai. J’ai été conditionné à me faire dire : « Il y a un petit noir en Afrique qui n’a pas la chance d’y goûter, alors mange! » Douce culpabilité simpliste. Et je ne peux toujours pas laisser ce pauvre dessert, même légèrement léché : les parents d’aujourd’hui sont si aseptisés. Et après tout, c’est la fête, on peut bien se gâter. Où est le mal?

Deux muffins, une chocolatine et trois carrés aux dattes plus tard, j'ai mal. Un début de mal de cœur me tenaille alors que je tente de freiner ses découvertes culinaires. Je tiens un troisième brownie dans les mains que je peine à entamer et mon petit homme continue son manège à tâtonner toutes les gâteries. Moi, Je dois déboucler d’un cran ma ceinture pour survivre.

— Elliott, ça va faire! Arrête de manger (profonde inspiration), papa n’a plus faim. 
— Ooooké-eee.

    Il arrête, enfin. Intervention tardive réussie. Entre deux reflux gastriques, je donne mes recommandations aux parents présents. Je vois bien dans leurs yeux qu’ils me prennent pour un glouton, mais je sens le devoir accompli. Il n’y a eu aucune perte. Mais, je crois qu’au prochain 5 à 7, ce sera moins engraissant d’attacher mon fils. Oh, ça ne se fait pas?



Une beigne avec du sucre en poudre? "C'est saaaaale!"