dimanche 27 janvier 2013

Flashback


   Voici un autre texte écrit pour le roman, mais qui a été retiré au dernier moment. Il met en place Pascal (ami et co-auteur) et moi dans notre jeune temps. C'est mon cher partenaire qui initié cette belle idée, alors c'est lui qui prend parole.

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Fin de l’été 1990, en banlieue de Joliette. Retour à l’école après les vacances estivales. Il est 7h21, dans un autobus scolaire aux banquettes vertes foncées, aussi confortables que les sièges d’auto des Pierrafeu. Sur le 4e rang, nous sommes en direction de la maison de mon ami Matthieu. Je suis un peu fébrile, la première journée d’école après les vacances est toujours un peu stressante. La rentrée, les nouveaux profs, une nouvelle classe et peut-être des nouvelles filles. Pour les impressionner, j'ai mon nouveau t-shirt Vuarnet-fluo qui «fitte» avec mes lacets jaunes-fluo.


L’autobus jaune s’arrête devant sa maison. Elle n’est qu’à six maisons de la mienne. Mais en campagne, six maisons peuvent représenter plusieurs kilomètres. Pour vous dire, de chez moi, lorsqu’il y a un léger brouillard, je ne distingue même pas mon voisin! L'autobus s'immobilise et trois enfants attendent. Il n’y a aucun doute que ce sont trois frères. En plus de leur ressemblance, leur taille ne diffère que d’une tête entre chacun. On croirait voir les Dalton, Averell en moins.
Je fais un signe discret de la tête, très cool, lorsque je vois apparaître le numéro deux à l'intérieur. Il faut que je garde une expression détendue, pas trop excitée, car si les filles me regardent elles penseront que j'ai l'air hot. Matthieu, toujours aussi rousselé, avec sa coupe champignon, s'avance avec son air «relaxe». Je l’interpelle.

— Salut man! Pis? Tes vacances?
— Super! Pis toi, nouveau style, ça fesse ça Pasc!
— De quoi?
—Tes cheveux sta faire!
— Ben… je me suis dit que je ne les couperais plus.
— Ouin… tu as l’air du chanteur Boule Noir là! Ça frise ton affaire. C’est mauvais ça il me semble. On va devenir la risée du bus si tu flashes trop.
— Meee… Même pas! Quand mes cheveux vont être longs, toutes les filles vont vouloir sortir avec moi, tu verras Matt. Moi je pense que ma cote va monter. Si tu as honte, il reste de la place en avant en passant.
— Et aller m’assoir avec mon petit frère? T’es malade! PAS QUESTION QUE J’AILLE M’ASSOIR AVEC LES BÉBÉS DE PREMIÈRE ANNÉE… Heille rapport, là!
— C't'une joke! Capote pas de même! Dis-toi que tu es chanceux d’avoir un petit frère. Tu peux t’en servir comme punching bag quand tu veux t‘entraîner. C’est cool. Moi le mien est toujours chez mon papa, pas moyen de me défouler.
— Ouin, mais c'est pas facile d'être trois. Je suis pas sûr que je vais vouloir avoir des bébés garçons plus tard.
— Ah parce que c’est nous qui choisissons ce qu’on veut? Gars ou fille?
— C’est sûr que oui. Tout le monde sait ça!
— Ah? Tout le monde? Euh... je veux dire, ouin, je sais!
— Faque, tu sais comment faire des bébés, Pasc?
— C’est sûr… Pfff… Rapport man. J’ai juste pas envie d’avoir une bedaine.
— Une bedaine?
— Tous les papas ont une bedaine quand ils ont des enfants. En plus ils perdent leurs cheveux. 
— Tes cheveux sont bien trop imposants... Euh importants, faudrait pas que ça t’arrive, tsé.
Full pas non. Pour l’affaire de faire des bébés mon Matt, toi aussi tu le sais d'abord, comment on fait ça?
— Ben oui. Mon grand frère m'a dit comment on faisait ça.
— Meeeee! Pour vrai? C’est comment?
— Il m’a dit que ça prend un gars et une fille tous nu pis…
— Hein? Tout nu? Il faut la regarder pis toute? Dégueu!
— Est-ce que tu veux le savoir ou non Pasc?
— Oui, oui, oui, continu.
— Donc un gars et une fille tout nu et là il faut qu’ils s’embrassent.
— Mmmeeeeeeee  pour vrai? Il faut qu’ils s’embrassent? Il faut qu’ils s’embrassent où?
— Comment ça où?
— Ben, ils doivent s’embrasser où? Dans la maison ou dehors?
— Eille je sais pas moi. Il m’a juste dit ça.
— Et c’est quand qu’on décide le choix du bébé?
— Eille, il m’a pas dit ça non plus.
— Ouin j’ai un doute là. Ah non ! Fuck Matt ça chie!
— Comment ça, ça chie?
— Ma tante Diane m’a déjà embrassé sur la bouche!
— T’es dans marde Pasc.
— Ah merde, je vais être pris comme ma mère à faire une demie-tonne de bouffe et faire des lunchs tous les matins pendant une heure. Pis faire du ménage. Pis devoir aller travailler au lieu de jouer à Mario Bros 3. Matt, ça me tente pas!
— Bah, c'est cool, pus de devoir. C'est cute quand même un bébé à part quand ça braille. Pis il paraît que tu reçois de l'argent par la poste quand tu as des enfants. Plus t'en fais, plus on t'en envoie. Imagine tous les jeux que tu pourras t’acheter. C'est sûr que tu verras pus ben ben tes amis, tu vas être tout le temps avec ta tante. Vas falloir que tu déménages avec, avant de te séparer.
— Pension alimentaire pis toute, pis toute. Il me faut au moins un million dans mon compte. J'vais demander toute de suite un chèque à mon père. Pis mon oncle, lui?
— Le chum de ta tante? Ben, il va se trouver une nouvelle blonde, faque tu vas avoir deux tantes. C'est pas pire, hein?
— AHHHH mais attends un peu. Elle était pas tout nu! C’était à Noël, tout le monde était habillé. Donc ça compte pas! Chus correct. Chus correct?
— Fiou, tu es vraiment chanceux. Mais écoute-moi bien là, arrête d’embrasser les filles sur la bouche. Sinon, traînes-toi un caoutchouc. Ok?
— Euh…ok. Pourquoi?
— Parce que mon frère m’a dit que pour se protéger contre les bébés il faut mettre un caoutchouc.
— Mmeeeeee, où ça?
— Où quoi?
— On le mets où?
— D'après toi, sur la langue c't'affaire!
— Ah ben oui j’y avais pas pensé.
— Ouin, suis un peu cibole!
— Oui oui, tu as raison Matt s’cuse-moi. C’est juste que… Mais c’est dégueu ça.
— Je sais, et il parait qu’il y a plein de couleurs différentes.
— Ça sert à quoi si on se met ça dans la bouche et que personne nous voit avec?
— Sais pas!
— C’est plus compliqué que je pensais. Tu es sûr que ton frère te niaisait pas?
— Ben, peut-être. On prendra pas de chance quand même. Trouve-toi un caoutchouc.
—Tu as raison. Ma mère entrepose ses pneus d’hiver au sous-sol, je vais en trouver là c’est sûr. Eille Matt, as-tu fait croire finalement à ton petit frère qu’il allait attrapé le scorbut s’il ne buvait pas dix verres de jus d’orange à tous les jours comme tu m’avais dit ?
— Mets-en! Ma mère capote, tellement ça lui coûte cher de jus. Hehehehe.
— Pis lui, il croit tout ce que tu lui dit?
— Ben oui, c’est moi le grand frère!
— Tu es le meilleur man.

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