mercredi 12 décembre 2012

Intro inédite du livre... (director's cut)

   
      Lorsque nous avons commencé le processus d'édition du livre, la première demande fut de "romancer" davantage nos récits. Il fallait trouver un contexte où le papa-mono(parental) devait s'immiscer dans le le monde du papa-nono. J'ai alors travaillé sur cette première ébauche de ce qui aurait pu être notre prologue... qui s'avéra finalement trop romancé. Pour tout dire, nous n'avons même pas osé le soumettre à l'éditrice!



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      Le vent glacial fouette mes doigts rougis qui peinent à garder mon petit papier froissé entre eux. Mes mains me maudissent de les avoir rendu orphelines de leurs mitaines encoure une fois ce mois-ci. Je confirme l'adresse inscrite avec celle de l'édifice en face duquel je me trouve, une chaîne réputée de magasins de jouets. On ne soupçonne pas l'aspect macabre que même un Toys "R" Us peut avoir sous une lumière jaunâtre qui peine à traverser la poudrerie. 
    Il est 22h bien tapé, je dirais même 22h01. Ça y est, je commence à bouillir. En ce moment, l'infirmier doit se foutre sûrement de ma tête de niais, bien emmitouflé chez lui. C'était prévisible, pourquoi l'ai-je aussitôt cru lorsqu'il m'a glissé ce message à l’hôpital, en me susurrant  "Suis l'indication inscrite, tu te sentiras moins seul là-bas lorsque tu seras père." Moins seul? Comment ça seul? J’avais une famille depuis quelques heures. 
   Avais-je un air si désemparé pendant l'accouchement de ma blonde? 
   Oui, probablement, tant de choses se bousculait dans mon esprit. Il a peut-être deviné un “À l’aide” entre 2 contractions. Comme en ce moment, où je m'apprête à revenir bredouille chez nous, expliquant difficilement comment un spectacle pouvait ne durer que 15 min. Bah, ça demeure crédible sorti de ma bouche, les évènements impromptus me colle à la peau. 
    Les phares d’une voiture qui s’immobilise me rassurent quelque peu. La cavalerie arrive. Par chance, il était précisé sur la notice qu'un invité pouvait m'accompagner, pour autant qu'il possède la même particularité: être le paternel d'un jeune enfant. L'idée m'est venu facilement puisqu'il est le seul ami qui vivait ce même défi depuis quelques années. Puis, il ne saurait dire non à un vieil ami d'enfance, quoique je ne sois pas le meilleur vendeur. 

  - Allo Pascal? C'est Turgeon. 
  - Hellooooooo frisé, que me vaut l'honneur de cet appel? 

   Sur une échelle de 1 à 10 en frisottis, je suis à 2 et lui à 12. Les papiers avec les réponses aux examens au secondaire, c’est dans sa toison capillaire qui les cachaient. Pourtant, c’est toujours lui qui me nomment ainsi.

  - J'ai besoin d'un compagnon vendredi soir prochain. Je n'ai aucun détail outre une adresse et le sujet de la rencontre. Tu es partant? 
  - Ça tombe bien, les enfants seront chez leur mère la semaine prochaine. Mais là, c'est pourquoi au juste? 
  - La paternité... et... ça tourne autour de cela. Le fait de se sentir seul aussi. J'ai tout de suite pensé à toi. 
  - Euh... Merci? C'est quoi exactement? Un club de rencontre pour parent monoparental
  - Sûrement pas! Enfin, je crois pas. Ça serait très cavalier de la part de mon informateur que d'imaginer mon couple échoué si vite après l'arrivée du poupon. C'est bien mal me connaître. 
   - Tu as raison, c'est capoté. Alors si je récapitule, on se rend à un endroit méconnu, faire on ne sait trop quoi, avec je sais pas trop qui? 
   - C'est pas mal ça. Désolé, j’ai rien de plus à te... 
   - J'EMBARQUE! C'est excitant! Envoie-moi les coordonnées par courriel. ON VA TRIPPER! 

   À -25C, pour l'instant, l'aventure se résume à un beau tour d'auto, de Brossard jusqu'à la rive-nord dans son cas. Son enthousiasme demeure néanmoins intact, il trépigne comme un gamin le jour de Noël. 

   - Woooow, un soirée clandestine couronnée de mystère. C’est moi qui aurait dû avoir cette idée. Je vais mettre ça sur ma liste de chose à refaire.
   - Tant mieux si tu tripes autant. Moi, je commence à me sentir épais d’attendre ici, à cet heure, sans explication claire. 

   À l’arrière du commerce, la porte de l’entrepôt s’entrouvre et le visage de l’infirmier apparaît discrètement. Un sourire le transperce aussitôt en m’apercevant alors que je me concentre pour me désenrager. Ce n’était pas une blague finalement. Il m’a réellement invité à une rencontre clandestine de pères. Ça devient excitant quoiqu’un peu pathétique à la fois à bien y penser. Je ne sais plus trop pourquoi je le suis alors que nous déambulons entre les étagères de bidules colorés, cassables ou indestructibles, qui envahiront bientôt mon espace vital. Je l’écoute à peine, je n’ai pas encore une pleine confiance. Il échange quelques mots avec Pascal qui gambade parmi les jouets. 

  - Désolé si t’as attendu dehors, je devais m’assurer que les caméras pointent dans une direction opposée. Moi, c’est Gilles. Je suis vraiment heureux que tu es pu venir. Tu verras, ça nous fait un grand bien à tous chaque semaine de se voir. 
   - Euh... Mais vous...nous... On fait quoi exactement? Ça n’implique ni une jeune vierge ou une chèvre sur un autel tout de même?, demandai-je en riant jaune. (Une partie de moi a carrément la chienne d’entendre la réponse.)
   - Hahahahah. 

     Merde, il n’a pas répondu, et son rire ne me sécurise pas plus. J’ai soudainement une envie de tenir mon ami par la main. Au vent la virilité. Nous débouchons enfin couloir ombragé à la moquette grise commerciale, puis notre guide nous mène dans une salle de réunion éblouie au néon, je l’entends à ce bruit paisible du gaz qui grésille. C’est particulier à quel point la vision d’une grande table de mélamine entourée de chaises de bureau, sans accoudoir et au minuscule dossier, devient vite très rassurant. Une douzaine d’hommes sont déjà assis, tous avec un café à la main, et se tourne tranquillement pour nous fixer de leur sourire Colgate. Vraiment, rien d’intimidant.
   
   - Bienvenue au grand conseil du P.E.M.P. 
   - Le P.E.M.P.?  que l'on demande moi et Pascal, en canon.
   - Pour Être de Meilleur Père, font à l’unisson tous les pères présents. 
   - Matthieu, rappelle-moi l’âge de ton enfant et si tu en as d’autre? demande doucement Gilles.
    - C’est mon premier et il aura bientôt 4 semaines dans 3 jours.
    - Et toi cher ami?
    - Fier papa d’un petit homme de 9 ans et une fille de 7 ans. Séparé, jamais marié, garde partagé.

   PAF!et PAF! Notre bonhomme accueillant nous clapote le poitrail pour bien nous assigner nos autocollants indiquant notre nom. 

   - Voilà, Matthieu tu es maintenant dans la famille des Papa-nonos, vous êtes environ 6 ce soir. 
   - Hé, wooohh! Nono, nono, vous me connaissez même pas encore.
   - Dans le cercle du PEMP, le tout nouveau papa doit se montrer humble, honnête envers lui et les autres, assumer ses erreurs pour éviter de les recréer. Le papa-nono se rappelle qu’il commence au bas de l’échelle dans la naïveté. 
   - Ah bon, d’accord. Et toi, Pascal, tu es devenu quoi... Papa-Deuzio?
   - Non, je suis papa-mono! Je trouve ça cool moi, bien plus sexy que le mot monoparental!
   - Très bien, alors, la session peut débuter, annonce Gilles tout en prenant place au bout de la table. Pour les nouveaux d’entre-vous (clin d’œil en ma direction et celle de mon copain), les règles sont simples :

  1.      Tout le monde peut s’exprimer, nous sommes ici pour ventiler, se défouler.
  2.      On ne juge pas.
  3.      On peut rire de nos histoires, mais pas de la personne.
  4.      Les trucs ou les conseils sont les bienvenus. Il ne faut toutefois pas s’offusquer si les vôtres ne demeurent qu’une suggestion non-utilisée. 


    C’est du sérieux tout ça, je me demande bien si j’ai ma place parmi ceux-ci. Je vois bien que Pascal tient à peine sur sa chaise; il n’attendait que ça, un public pour conter ses histoires de famille. Depuis des années qu’il accumule les péripéties avec ses deux tornades. Voilà, tu as ta chance mon homme. Évidemment, dès que Gilles nous a invité à participer pour échanger sur nos vie, Pascal a sauté sur la scène improvisée, une ridicule boîte de couche vide. Il ne lui manquait qu’un “follow spot”, un micro sur pied et je le perd pour au moins une heure le temps qu’il reprenne son souffle! 


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    Je ne tiens plus en place. Gilles termine de nous énumérer les règles de de leur groupe dénommé P.E.M.P. En fait c’est très simple, nous échangerons sur notre vie en vue d’améliorer nos compétence en tant que père. Ça me va tout à fait ! J’ai même déjà une idée sur comment nommer les dits trucs et conseils. Je jette un regard sur mon ami Matthieu qui est encore frigorifié. Il a dû encore oublier ses mitaines. Ses yeux vacillent de gauche à droite. À mon avis, en plus d’inspecter chaque personne autour de la table, il cherche la sortie de secours la plus proche si jamais la soirée tourne à l’ennui. Gilles nous fait signe, c’est le moment de parler de nous. Je ne peux résister. Sans attendre la réponse de Matthieu, je grimpe d’un bond sur leur gigantesque scène que je passe à deux doigts de défoncer. Il me manque qu’un « follow spot”, un micro sur pied et je pourrai leur raconter mes histoires pendants des heures me dis-je.

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Ça a l'air bon hein?! Ben, notre livre, commence pas pentoute de même finalement. Et c'est mieux ainsi, croyez-moi. Nous aurions beaucoup trop ramé pour faire vivre cette histoire du PEMP! Alors, nous avons ramé pour autre chose... à voir en février!

Matt

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